Sait-on faire des sites de e-commerce en France ?

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En pleine réflexion sur mon évolution professionnelle, j'avoue avoir un intérêt grandissant pour le commerce électronique, car au moins trois des projets qui me tournent dans la tête y ont trait directement. Coïncidence, le sujet inspire beaucoup le fondateur de Photoways, Michel de Guilhermier, actuellement très en verve sur le e-commerce, pour mon plus grand bonheur (vive les blogueurs qui partagent leur science !). Et je dois avouer que depuis deux semaines et grâce à lui, j'ai revu un certain nombre de mes préjugés sur la vente en ligne, à commencer par la fringue qui, selon Forrester cité par MdG, devrait être le 2ème plus gros segment de e-commerce en 2011 après le voyage, ou encore la chaussure.

Exemple de préjugé, voici ce que j'écrivais chez Michel il y a deux semaines : "j'achète parfois des fringues par internet mais les surprises sont nombreuses et les retours aussi. Encore pire pour les chaussures. L'essayage ne se virtualise pas bien sur internet !". Or, à la réflexion, je n'ai jamais renvoyé une seule des commandes de fringues que j'ai effectuées. Quant à la chaussure, marchandise dont l'achat frôle systématiquement le calvaire chez moi, je dois dire que le choix et les garanties de retour offerts par Sarenza (le blog du patron, Francis Lelong, est dans mon agrégateur) me font réfléchir sur ma réticence à acheter ce genre de produit en ligne (une précision d'importance : j'essaye souvent des dizaines de modèles avant de me décider, et pour cause de pieds creux j'ai absolument besoin d'un soutien de voute plantaire, une information qu'on ne trouve jamais dans la description des chaussures sur les sites de vente en ligne). Je pense que je vais tester, mais peut-être en adoptant un comportement que les commerçants "tradi" redoutent : me renseigner et essayer dans un "vrai" magasin avant d'aller comparer les prix en ligne (pas très fair-play, mais c'est le jeu du commerce et la liberté de l'acheteur).

Toujours dans la chaussure, c'était aujourd'hui le lancement de Spartoo. En tant que consommateur lambda, mais internaute avec quelques heures de vol, j'avoue avoir été sérieusement refroidi par des choses aussi frustrantes que cliquer sur un placard en page d'accueil ou le nom d'une marque pour se retrouver devant une page vide ! Le tout avec un lancement annoncé en page d'accueil par un chronométrage à la seconde près (suivi d'un message "patience, ça vient..." après H-5 mn !), qui envoie donc le message confiant d'une préparation sérieuse, message apparemment en décalage avec la réalité. La première impression laisse donc à désirer, mais je ne doute pas que ces erreurs de jeunesse seront vite corrigées, et le catalogue étoffé. Francis Lelong donne son avis sur son concurrent.

Ceci dit, même Carrefour avec des moyens autrement plus conséquents, s'est aussi planté au lancement de Boostore (liens cassés et navigation aberrante), avec une campagne classique d'affichage publicitaire qui a certainement poussé le distributeur à mettre coûte que coûte en ligne un site qui n'était visiblement pas terminé ni débogué à la date prévue.

Dernier exemple, et j'en vient à la question posée dans le titre de ce billet, je cherche en ce moment à terminer ma liste d'accessoires pour mon vélo. Alors que je me disais que ça ferait peut-être un bon exemple de site de e-commerce vu la pauvreté de l'offre en magasin à Paris, je suis tombé sur cette page en cherchant une sacoche. Je vous met au défit d'y trouver un seul lien fonctionnel vers leur catalogue de vente en ligne, en utilisant Firefox ou Safari. Il m'a fallu un bon moment pour comprendre pourquoi le vendeur s'obstinait à m'envoyer vers un catalogue qui ne sait rien dire d'autre que "Il n'y a pas de famille article correspondant à la référence Sacoches de Transport". Premier problème, tous leurs liens sont faux sur la page en question (qui est tout de même sur la première page de résultat dans Google sur "sacoche pour vélo"). Je tente de fouiller le site, lequel affiche bien une rubrique "Accessoires Vélo", mais il m'est impossible de l'afficher ! Je fini par trouver le problème : ils ont codé "Vélo" avec l'accent dans l'URL, et ça ne fonctionne que si l'on remplace le "%E9" par "é" à la main dans l'URL à chaque page. Une erreur stupide "powered by Sage" qui m'empêche tout simplement de voir le catalogue, donc d'y acheter quoi que ce soit. Absolument aberrant pour un commerce !

Michel écrit qu'il y aurait déjà 10 000 sites de commerce électronique en France, mais que moins de 1% font plus de 1000 commandes par jour. Avec des monstruosités comme l'exemple ci-dessus, je me demande combien font de mauvais résultats tout simplement parce qu'ils n'ont pas été testés proprement et ne fonctionnent pas pour une fraction significative d'acheteurs !

Mon sentiment, au vu de ces quelques exemples ainsi que le geoportail de l'IGN dans un autre domaine, c'est qu'il semble régner un amateurisme de mauvais aloi en France en matière de conception de sites un peu plus compliqués que de la plaquette en ligne ou de zolis animations qui font flasher (pun intended) le directeur marketing. Je trouve que nos amis américains font très nettement mieux que nous dans ce domaine.