Le Conseil constitutionnel préconise de renoncer provisoirement aux machines à voter

Le Conseil constitutionnel publie un bilan du premier tour des présidentielles, dans lequel tout un passage est consacré aux machines à voter (j'ai graissé la sage conclusion) :

S'agissant de ces dernières, il convient de remettre les choses à leur place tant le climat de suspicion entretenu autour d'elles a pu contribuer à la détérioration de la situation :

- Des délais d'attente importants ont pu être observés alors qu'aucune machine à voter n'était en service (IXème arrondissement de Paris par exemple) ;

- Inversement, dans certaines villes où tous les bureaux de vote étaient équipés (Le Havre et Mulhouse par exemple), aucun retard n'a été constaté ;

- Aucun retard, ni aucune panne sérieuse, n'ont été enregistrés lors du référendum de 2005, alors que la proportion des électeurs appelée à en faire usage était approximativement la même ;

- Ont été rejetées toutes les demandes en référé dirigés contre les décisions des maires (il s'agit en effet d'une compétence du maire) d'installer des machines à voter;

- Le Conseil constitutionnel a lui-même publié un communiqué appelant à la raison ;

- L'incompréhension ressentie par certains électeurs vise essentiellement les machines de type nouveau (particulièrement celles à écran tactile) ;

- Une machine à voter étant à la fois assimilable à une urne et à un isoloir, il ne peut y en avoir en principe plus d'une par bureau de vote : en revanche, leur mise en réseau dans un même bureau de vote (qui respecte l'unicité juridique de l'urne électronique) suffirait à prévenir les bouchons ;

- Ailleurs, les retards semblent parfois imputables aux précautions prises pour désarmer les doutes et les soupçons plus qu'au fonctionnement des machines ;

- Aucune fraude, détérioration ou sabotage n'a été mis en évidence ;

- Beaucoup de pays moins techniquement développés que la France (en Amérique latine par exemple) utilisent les machines à voter sur une plus grande échelle, le consensus étant réalisé par des audits pluralistes au moment de l'agrément ou lors d'inspections inopinées.

Il reste que, ici ou là, l'usage des machines à voter n'est pas psychologiquement accepté, à tort ou à raison, par une part importante de nos concitoyens. Un certain climat de psychose n'y est pas étranger.

Il est vrai aussi que certains modèles au moins, parce que trop sophistiqués, ont provoqué des files d'attente.

Dans ces conditions, le plus sage serait sans doute, lorsque des problèmes sérieux se sont produits le 22 avril (pannes, bouchons, polémiques…), d'y renoncer provisoirement afin de mettre les prochaines échéances électorales, y compris le second tour de l'élection présidentielle, à l'abri de toute contestation.

Bien sûr, il y a des maires obtus qui, contre toute évidence, vont continuer à prétendre que tout va bien et qu'il n'y a eu aucun problème chez eux le 22 avril. Manque de bol, cette année les électeurs sont beaucoup plus sensibilisés au sujet et n'hésitent plus à s'exprimer, contrairement à ce qui s'était passé en 2004.

Sinon, on appréciera que le résultat du travail d'information des citoyens sur les ordinateurs de vote soit vu par les sages comme un « climat de psychose » et la condescendance même pas masquée sur les « pays moins techniquement développés que la France ». Les sages apprécieront donc qu'on leur fasse remarquer que des pays plus techniquement avancés que nous ont renoncé aux machines que le Conseil considère ici comme acceptables. Tout en recommandant de les remiser au placard, oh ironie. En attendant quoi, au fait ?

Mais on appréciera encore plus que le Conseil préconise la mise au placard des machines pour éviter la contestation des élections. Serait-ce pour s'économiser du travail, ou bien le Conseil commence-t-il à douter de la situation juridique autour du vote électronique ?